Le Coup De Cceur De Frédéric Vitoux
Retour à Bahia
Limmense Nordeste brésilien avec sa pauvreté, sa violence, sa truculence et sa magie semble indissolublent lié à l’oeuvre romanesque de Jorge Amado ou à certains films du défunt cinéma novo comme “ le Dieu noir et le Diable blond”, de Glauber Rocha. Du coup, íl nous parait presque irréel, ce Nordeste, sous la plume d’Antonio Torres.
Après vingt ans d’absence, un fils qui a trouvé un emploi salarié dans une banque de Sao Paulo revient au pays pour feter les quatre-vingts ans de son père qui vit seul dans un village perdu. Ce n’était pas une mince affaire de le quitter autrefois, ce village. A pied ou à cheval par une route terreuse pour gagnet une bourgade. Puis l’attente, lá-bas, d’un transport motorisé vers une gare lointaine, l’arrivée à Salvador de Bahia, et, au bas mot, sept jours encore de train, sans compter les déraillements, pour atteindre Sao Paulo. Le fils, lui, est revenu en deux jours. L’avion, la voiture, des routes goudronnées. Et voilà au fond l’essentiel. S’il n’y a pas de folie littéraire chez Antonio Torres, c’est parce qu’il a emprunté l’avion, la voiture et des routes goudronnées. Parce qu’il n’est pas, en somme, de la génération de Jorge Amado ou Glauber Rocha. “chien et loup” joue precisément de ce décalage. Avec une tendresse et une fidélité mélancolique et désolée aux paysages d’enfance du narrateur. Où rien n’a changé. Où tout a changé. Où la jolie petite fille blonde de la cour de récréation est devenue une sensuelle maitresse d’école. Où des paraboles bourgeonnent sur les toits des maisons. Où pourtant tout semble encore immobile. Entre chien et loup. Miracle ambigu de la littérature.
“Chien et loup”, par Antonio Torres, traduit du brésilien par Cécile Tricoire, Phébus, 216p., 119 F.